Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/70

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L’aumônier, la Supérieure, le père Larcher, tout le monde accourut. Je crois que le soldat jurait, tel un templier. Le pauvre était vraiment excusable.

Mère Sainte-Sophie, d’en bas, m’adjurait de descendre et de rendre le shako. Le soldat essaya d’arriver à moi par le trapèze, la corde à nœuds… Ses efforts inutiles faisaient pâmer les élèves qu’on avait voulu éloigner.

Enfin la sœur tourière sonna la cloche d’alarme ; et cinq minutes après on envoyait de la caserne de Satory des soldats pour porter secours, croyant à un commencement d’incendie.

Quand l’incident fut raconté à l’officier qui les menait, il renvoya ses hommes, et demanda à voir la Supérieure. On le conduisit à mère Sainte-Sophie. Il la trouva aux pieds de la gymnastique, pleurant de honte et d’impuissance.

Il enjoignit au soldat de rentrer à la caserne sur-le-champ. Il obéit, me montrant le poing. Puis, levant la tête, il ne put s’empêcher de rire, en me voyant coiffée du shako qui, descendu sur mes yeux, n’était retenu que par mes oreilles repliées pour lui faire obstacle.

Furieuse, énervée de la tournure que prenait ma farce : « Le v’là, votre shako ! » Et je le jetai violemment de l’autre côté du mur qui longeait la gymnastique, dans le cimetière. « Oh ! la petite peste ! » mâchonna l’officier. Puis, s’excusant, il salua les religieuses ; et le père Larcher fut chargé de l’accompagner.

Quant à moi, j’étais tel un renard auquel on aurait coupé la queue. Je refusai de descendre tout de suite. « Non, disais-je, je descendrai quand tout le monde sera parti. »

Toutes les classes furent punies.