semblait avoir une impression différente, mais personne ne me semblait joyeux.
Tout à coup, au milieu de la gêne générale, mon parrain exclama brutalement : « Elle est trop maigre pour faire une actrice !… »
« Je ne veux pas être actrice ! m’écriai-je. — Tu ne sais pas ce que c’est ! dit ma tante. — Si ! si ! je sais que c’est Rachel ! — Tu connais Rachel ? dit maman en se levant. — Oui, oui, au couvent, elle est venue un jour voir la petite Adèle Sarony ; elle a visité le couvent et on l’a fait asseoir dans le jardin parce qu’elle ne pouvait plus respirer. On a été lui chercher des choses pour la remettre ; elle était pâle, si pâle qu’elle me faisait de la peine ; et sœur Sainte-Appoline m’a dit qu’elle faisait un métier qui la tuait, qu’elle était actrice. Et moi, je ne veux pas être actrice ! Je ne veux pas ! »
J’avais dit tout cela d’une seule haleine, les joues en feu, la voix dure. Je me souvenais de ce que m’avaient dit sœur Sainte-Appoline et mère Sainte-Sophie ; et je me souvenais que, lorsque Rachel était partie du jardin, toute pâle et soutenue par une dame, une petite fille lui avait tiré la langue.
Je ne voulais pas qu’on me tirât la langue quand je serais une dame. Je ne voulais pas mille choses confuses dont j’avais quand même souvenance.
Mon parrain se tordait de rire. Mon oncle restait sérieux. Les autres discutaient. Ma tante parlait vivement avec maman qui semblait lasse et ennuyée. Mlle de Brabender et Mme Guérard se disputaient tout bas.
Et je pensais à cet homme élégant qui venait de sortir. Je lui en voulais, car c’était lui qui avait eu cette idée de Conservatoire. Ce mot m’effrayait. C’était lui qui voulait que je fusse actrice. Et il avait disparu,