Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/96

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se plissant en petit rond, elle ronronnait, sifflait, dindonnait, et pepetait sans s’arrêter…

J’étais tombée esclaffée dans mon fauteuil de paille. Le rire m’étranglait. De grosses larmes giclaient de mes cils. Mes pieds battaient le parquet. Mes bras lancés de droite, de gauche, cherchaient, se crispaient sous les spasmes du rire. Je me penchais en avant pour me rejeter en arrière.

Ma mère, attirée par tant de tapage, entr’ouvrit la porte. Mlle de Brabender expliqua très gravement qu’elle me démontrait la « Méthode » de M. Meydieu. Maman essaya quelques remontrances, je ne voulus rien entendre, je délirais sous le rire. Elle emmena mon institutrice et me laissa seule, car elle craignait que je n’eusse une crise de nerfs.

Restée seule, je me calmai peu à peu. Je fermai les yeux et revis mon couvent. Et les te, de, de… se confondaient un instant dans l’engourdissement de mon cerveau, avec les Pater qu’il me fallait répéter quinze ou vingt fois comme pénitence.


Enfin je repris conscience, me levai et, après avoir trempé mon visage dans l’eau froide, j’allai rejoindre ma mère que je trouvai en train de jouer au whist avec mon institutrice et mon parrain.

J’embrassai tendrement Mlle de Brabender qui me rendit mon baiser avec une si indulgente bonté que je m’en sentis confuse.


Les jours passaient. Je ne faisais des exercices de Meydieu que les : te, de, de… au piano. Ma mère venait me réveiller chaque matin pour ce travail dont j’enrageais. Mon parrain m’avait fait apprendre Aricie, mais je ne comprenais rien à ce qu’il me disait pour les