Page:Bernier - Au large de l'écueil, 1912.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
au large de l’écueil

récit émouvant de quelque miracle et vu luire, dans les yeux qu’il embrasait, le mirage lointain de Beaupré !… Il n’est pas un vrai Canadien-Français dont l’âme, à ce nom seul, ne s’élargisse en une pensée d’amour !… Combien de fois les foules, comme celles d’aujourd’hui, ont lié leur prières à la Sainte en une gerbe immense ! Songez à tous les désespoirs qu’elle adoucit, aux souffrances qu’elle apaise, aux suicides qu’elle écarte, aux héroïsmes qu’elle fait jaillir !… Et votre père, devant cette foule à genoux, dirait que c’est la tourbe des crétins ignares et vils !…

— Et vous disiez que vous n’aviez plus de haine ! reproche la fille de Gilbert.

— Et je le répète… Mon indignation n’avait pas d’amertume, elle est triste au-delà de ce que je peux dire….

— Rappelez-vous que mon père ne sait pas qu’il outrage, reprend la jeune fille, à qui le chagrin de son ami fait éprouver le besoin d’une excuse. Il ne peut outrager les prières et la Sainte auxquelles il n’a jamais cru !…

— Et vous aussi, vous ne croyez pas à la foule qui prie, vous niez Sainte-Anne de Beaupré ! dit-il, avec beaucoup de tristesse.