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au large de l’écueil

traque ainsi qu’on chasse la vermine, il en aurait une peine qui lui empoisonnerait le cœur. Et plus les souvenirs l’enflamment, plus elle contemple le visage pâle et frémissant du père adoré, plus elle est ressaisie par la foi aux enseignements dont il l’a passionnément nourrie, saturée. Elle incarne son rêve de la jeune fille nature, aussi pure que les vierges de la superstition, mais libre, sans qu’elle s’avilisse aux pratiques humiliantes. À sainte-Anne-de-Beaupré, tout-à-l’heure, ce fut une crise de sentimentalisme aigu, l’intelligence est demeurée intacte. Cela est passé, ne reviendra plus, grâce au père dont la présence réchauffe et fortifie sa croyance en l’évolution féconde, éternelle. D’ailleurs, est-il endroit plus irrésistible pour déifier la Matière ? Ce torrent exalte les forces de la nature, et c’est leur apothéose. L’homme n’est qu’une force, avec un pouvoir sublime qu’il appelle son intelligence, mais toutes les puissances prennent leur source dans la Matière sans commencement ni fin. Dans les eaux qui s’écroulent et leurs gémissements sans nombre, elle ne voit plus que le symbole du gouffre infranchissable entre l’âme de Jules Hébert et la sienne…