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au large de l’écueil

le sourire se mêle à celui de leur visage en gaîté. Il semble que tous oublient l’angoisse de vivre et le chagrin du jour : on se laisse engourdir par le sortilège de l’heure capiteuse, ensoleiller par les éclats de rire voisins, griser par la jouissance facile et vide et par la chanson de l’or, éblouir par la beauté jaillissant des toilettes radieuses, bercer par l’air alangui de l’orchestre invisible, soulever par le flot du peuple déroulant au loin sa masse en cadence.

La promenade est débordante. Les courants de ceux qui s’éloignent et de ceux qui reviennent se frayent un passage en des remous de chapeaux et de têtes. On a quitté les demeures où il a fait lourd jusqu’après la chute du soleil, et l’espoir de la brise a rassemblé les milliers de poitrines qui défilent. Le bruit de la populace en marche évoque tour à tour le roulement lointain de la foudre et le mugissement des rapides encore dans la distance. Une seconde, on se représente avec effroi quelle hécatombe cela serait, si la Terrasse, n’en pouvant plus, déversait la vague humaine dans la falaise profonde. Mais la joie de tous rassure : on s’amuse à la revue cinématographique des êtres en liesse. Enfin délivrées du comp-