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au large de l’écueil

— Attendez, Monsieur Hébert… J’adore votre formule : un jour, il vous rencontrera au bord d’une source, il se penchera sur elle, remplira le creux de sa main, et plus vous boirez, plus vous aurez soif… Vous trouverez la source, et vous méritez d’y boire…

— Oh ! regardez la gentille petite barque ! s’écrie-t-il. Peut-être ceux qu’elle dirige boivent-ils à la source d’amour…

La chaloupe effilée coule sur l’onde blanche et rêveuse. Elle se laisse aller au caprice de la marée, pendant que les rames sommeillent. Une silhouette d’homme, au centre, et celle d’une femme, à l’arrière, semblent goûter l’heure divine en silence. Est-ce des époux qui vivent sur le fleuve la douceur d’être ensemble ? Est-ce des amoureux dont les regards ne se lassent pas de retrouver au fond d’eux-mêmes le recueillement de la nature ? La barque file toujours de sa course égale et douce, effleure la traînée lumineuse où elle fait songer aux vaisseaux des contes merveilleux, glisse de nouveau sur la surface aux reflets d’argent. Marguerite et Jules ne se parlent plus, se demandent où elle va dans sa promenade insouciante et légère. Un désir aigu de