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VI


L’arôme âcre du tabac national imprègne tout l’air de la salle rectangulaire et basse. C’est ici le comité-chef de Jules Hébert, le candidat Patriote. Les volutes pâles que les fumeurs exhalent des pipes noires ou « cernées », tournoient vers le plafond de bois nu sur lequel s’alignent des poutres lourdes, et la brise timide entame à peine le nuage de fumée toujours plus dense et violent à la gorge. Douze à quinze électeurs, en trois groupes étourdissants, flânent sur les madriers bruts dont on a fait des sièges, en les appuyant sur de vieilles chaises, tout le long de la muraille dont on n’a pas encore peint l’épinette brunie. Des nœuds enflent dans le plancher rude et s’y tordent. Au fond de la cheminée de briques ternies par les feux d’hiver, une bûche d’érable est restée depuis le printemps dernier. Près d’elle, un tisonnier chôme. Épars sur la cloison rustique, des clous rouillés attendent les portraits de famille ou les cadres pieux qu’on a dé-