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au large de l’écueil

guement. Demain, ce sera la séparation décisive. Ils iront contempler le Saint-Laurent de la cime du Cap Tourmente, ils s’y feront l’adieu sans retour. Parfois, le jeune Canadien se révolte au souvenir qu’elle lui échappe à jamais, s’insurge contre la destinée qu’il accuse, demande au ciel pourquoi il a fait les âmes qui s’attirent et les abîmes qui les séparent. Mais la rébellion n’est que passagère, et l’assaut des nerfs aigris succombe toujours à la volonté solide comme une forteresse imprenable. Jules entend vibrer, dans son cerveau brûlant, les paroles inspirées du beau vieillard qui lui parlait de race et de patrie. Il ne songe pas une seconde à les sacrifier l’une et l’autre à la défaillance divine que la Parisienne verse dans son cœur. Il préfère l’atrocité qu’il endure au bonheur des lâches. Mais quelque chose déchire et fait mal au plus intime de son être sensible, et il est désespérément seul, infiniment triste.

Par les deux ouvertures où les rideaux en point d’Angleterre frissonnent, la fraîcheur du fleuve entre sur l’aile de la brise discrète. Les cloches du dimanche carillonnent aux alentours et dans la distance, mais leurs harmoniques se