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au large de l’écueil

sœur, tu as lâché ta race, tu nous as lâchés tous !… Défends-toi, si tu le peux, je t’en défie !

— Vous parliez d’un poignard qu’on vous plonge dans le sein, mon père… Vous me demandiez pourquoi je gardais les yeux fixes : je sentais vos paroles me pénétrer dans la chair comme des balles… Je n’ai qu’une excuse à donner… J’ai peur de vous, j’ai peur qu’elle ne suffise pas, qu’après l’avoir entendue, vous me pensiez lâche et criminel encore… Et cependant ma faute ne fut pas volontaire, je puis le crier, cela, je l’affirme, je l’ai commise malgré moi, fatalement, muselé, aveugle, inconscient de la honte !…

— Tu plaides fatalité, est-ce bien là ton excuse ? Elle serait pitoyable, interrompit le père, dont l’accent calme du jeune homme exaspérait les nerfs. Là où tu fus le plus coupable, ce fut de mentir le jour où tu nous revins !… Je me repentis d’avoir eu ce doute, je craignais de t’avoir insulté, je n’osai même pas te rappeler que tu ne m’avais pas répondu !… Tu m’as joué avec ton âme canadienne, tu m’as trahi, tu as versé des larmes fausses !… Comprends-tu quelle douleur c’est pour moi de songer qu’après une