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au large de l’écueil

telle faiblesse, tu n’as pas eu le courage de l’avouer : tu as eu l’audace d’en prolonger, au lieu même de ton berceau, le cours et l’humiliation !… Ose dire que ce n’est pas vrai, que tu ne mérites pas le langage dont je te soufflette !…

— Je n’ai pas répondu, mon père, je n’ai donc pas menti… Certes, je vous ai caché la vérité, je devais le faire… Ce fut une puissance, en moi, que je ne pus vaincre… Ne m’interrompez pas, votre indignation serait cruelle encore, vous m’avez assez broyé le cœur déjà !… Je le répète, j’ai peur de vous… Allez-vous me pardonner, quand je vous aurai tout dit ? Oh oui, vous êtes bon, vous ne m’accablerez plus de vos reproches qui me fouettent au sang comme des lanières de plomb !… J’ai, dans les veines, la chaleur ardente que vous m’avez transmise, vous l’avez embrasée de votre enthousiasme pour tout ce qui est pur et beau, je l’ai surchauffée par une jeunesse que je consacrai toute aux fièvres nobles et au rêve sain, j’ai amoncelé l’idéal en mon âme. Un jour, une vision incarna toute la somme de pureté, de noblesse, d’idéal et de beauté que j’avais accumulée dans mes rêves… En une minute, cela se devine, cela vous perce le cœur !…