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au large de l’écueil

patriotique, en face de moi, qui magnétise et promet des sensations grisantes et viriles, je ne sais à quel désespoir je m’abandonnerais ! Dieu merci, dans quelques jours, à Ottawa, j’exalterai l’âme canadienne, je mettrai dans mes accents toute la passion que je refrène, que j’égorge, et il faudra bien qu’on m’entende !… Vous serez fier de moi, mon père, j’accomplirai de la grande besogne, je me réhabiliterai à vos yeux, les ancêtres seront orgueilleux de moi, m’applaudiront par votre voix grondant de tous leurs enthousiasmes !…

— Comment veux-tu que je te pardonne, mon fils ? répondit Augustin, implacable, que la chaleur et la véhémence du jeune homme avaient toutefois bouleversé. Tu parles bien, tu es superbe, et si l’éloquence était une excuse, il me faudrait oublier !… Mais, sous ton langage de flammes, je sens que tu l’aimes à la folie, que tu veux la revoir encore !… N’est-il pas vrai que tu veux la revoir ?…

— Oui, mon père, il faut que je la revoie… Demain, ce sera fini… Elle s’en ira sans retour… Ne soyez pas inexorable, laissez-moi tenir ma promesse et lui faire l’adieu pour la vie…