Page:Bernier - Au large de l'écueil, 1912.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
226
au large de l’écueil

— Je n’essayais pas de nier, je voulais vous empêcher d’être impitoyable… Si c’est aimer, que d’admirer ce Canadien au-delà de ce que j’en peux dire, je l’aime… Si c’est aimer, que de lui être profondément reconnaissante de la gentillesse et de la bonté qu’il eut pour moi, je l’adore… Si c’est de l’amour, cette joie indicible de le voir et de lui parler, je l’aime éperdument… Si c’est de l’amour, la peine que je sens là, indéracinable, étouffante, je l’aime désespérément… Je ne puis vous en dire qu’une chose, mon père, si c’est l’amour, tout cela, c’est la première fois que j’aime !…

— Et tu es orgueilleuse de cet amour ?… C’est même l’orgueil de cet amour qui l’a trahi ! Tu ne t’es pas aperçu que ton secret débordait !…

— Vous avez attaqué Jules… En dépit de moi-même, je l’ai défendu… Je lui devais cela, je le devais à mon cœur, au pur souvenir que j’aurai toujours de lui !… Vous m’avez enseigné la loyauté : malgré moi, je fus loyale à celui que je crois digne de mon amour !…

— Alors, entre les deux, ce n’est pas moi que tu préfères !… Il a le meilleur de toi-même !…