Page:Bernier - Au large de l'écueil, 1912.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
227
au large de l’écueil

Pour lui, tu m’accuses, tu te bats contre moi, tu me blesses au cœur !…

— Oh ! mon père, prenez garde, l’indignation va vous faire porter des coups dont la blessure ne guérira jamais !… Pourquoi cette fureur que je sens approcher ? Vous le savez bien que je vous adore, et plus que jamais, le jour où c’est l’amour de vous qui m’empêche de voler à la tendresse de Jules Hébert !… Il faut que je vous aime bien, que vous ayez une emprise bien forte sur mon âme, pour que je m’en aille ainsi pour toujours, brisant mon rêve et fuyant la joie ineffable de cet amour !…

— Mais je rêve, ce n’est pas vrai, tout ce que tu me dis là, s’écrie Gilbert, qui se cramponne à un suprême espoir. Tu ne l’aimes pas, c’est faux, c’est impossible !… Tu es ma vie, mon œuvre, je t’ai pétrie à la ressemblance de mon idéal, je t’ai distillé goutte à goutte la haine de leur Dieu fantoche, et quand je t’entendais railler la superstition avilissante, je croyais que ma colère contre elle était plus pure et meilleure !… J’espérais pour toi un fils de la libre-pensée, un champion de nos doctrines, quelqu’un digne de la jeune fille idéale que j’avais créée… À vous deux, vous