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au large de l’écueil

— Tout-à-l’heure, nous vous parlions du Petit Cap et de ses écoliers en vacances, disait Jules. Ils viennent souvent, par groupes en liesse, rendre visite à la cîme et à Notre-Dame-des-Neiges… Alors, la solitude s’anime de vie jeune et ardente… On cueille les fruits sauvages, les « bleuets » juteux, les framboises grasses, les «  petites poires » qu’on s’arrache, parce qu’elles sont rares… On va tirer d’une source tapie dans la mousse, un peu plus loin, l’eau fraîche qui crève les rocs… On allume, là-haut, un petit feu qui crépite au sein des pierres dont on a construit la cheminée d’un soir… À table, c’est un engouffrement de choses qu’on dévore, une escarmouche de bons mots qui pétillent… Quand la nuit envahit la montagne, ils accourent se percher sur la roche où la grande Croix s’enfonce, murmurent ensemble une prière aux étoiles, puis, regardent longtemps les feux par myriades qui sont la féerie nocturne de Québec dans la distance… Le sommeil est lourd et bon dans les lits durs qui sont nichés derrière la chapelle… Les plus vaillants se lèvent, à trois heures du matin, pour voir les ténèbres se blanchir d’aurore et l’horizon s’embraser de soleil…