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au large de l’écueil

hit sa religion, s’éleva de l’Océan vaste à Dieu roi des espaces, la conquit tout de suite, et elle lui fut presque reconnaissante de croire avec un tel orgueil, avec une franchise aussi totale. Cédant à un besoin impérieux de femme qui adore, elle voulut s’enivrer du bel enthousiasme du jeune homme, le pria de lui ouvrir largement son cœur de chrétien. Le catholicisme vigoureux et traditionnel du Canada-Français l’émerveilla étrangement, au point qu’elle regretta d’avoir laissé pénétrer en elle autant de flamme religieuse. Elle eut beau faire sentinelle contre elle-même, nier l’ébranlement de ses convictions d’athée, le trouble n’en fouilla que plus loin les abîmes de sa conscience, et il y eut des heures de crise où elle eut peur de croire. Au cours de l’adieu pathétique sur le Cap Tourmente, à l’instant même où elle a si violemment défendu l’athéisme de son père, une voix au fond d’elle-même dominait le tumulte de son âme, et plus elle repoussait Dieu, plus Il s’y dressait, vivant, nécessaire, débordant, tenace, inéluctable.

Alors même que son doute imposait ce qu’il affirmait si énergiquement, la jeune fille, méfiante du surnaturel par habitude et par tempé-