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au large de l’écueil

rament, identifiait son trouble avec la puissance de l’amour. La séparation, atténuant les violences du cœur, apaiserait les tourmentes de l’âme. Ce n’est qu’au regard suprême de son ami que Marguerite éprouva un déchirement si vif qu’elle en crut tomber sur place. Elle n’eut que le temps de se hâter vers sa chambre, et là, un spasme creva au plus intime d’elle-même et lui secoua rudement la poitrine. Elle pleura, toute la nuit, le rêve qui s’effondrait en elle. Ils essayèrent vainement, le père et la mère aux abois, d’enrayer ce délire de sanglots. Cette insomnie de nerfs douloureux lui mit la tête à feu et à sang, et le lendemain, une telle névralgie martelait son crâne qu’il fallut ne pas laisser Québec. Il y avait des moments de calmes affreux, suivis de larmes plaintives ou mouvementées. On lui redit souvent quel péril menaçait les yeux fragiles : le désespoir du père et l’angoisse de la mère se heurtèrent sans cesse au chagrin tyrannique, et cela dura plusieurs jours lamentables.

Un soir où la crise nerveuse paraissait lâcher prise, la malade se plaignit que son regard se filait de noir. Gilbert fut affolé. Il déchaîna