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au large de l’écueil

les fières colonnes, Gilbert, un pli sarcastique au front, la lèvre mordante, le cœur ulcéré, regarde les deux profils dressés passionnément vers Dieu. L’invocation de Marguerite est dramatique et désespérée. Elle appelle à l’aide tous les siens dont les âmes, dans le lointain des générations, connurent le charme de la prière et vivent à jamais l’extase du ciel. Des guérisons par myriades s’épanchèrent du cœur de la grande Sainte : pourquoi serait-Elle insensible au martyre qui l’empoigne et la rend folle ?

— « Est-ce ma faute, disait-elle, si je fus ignorante de Vous, mon Dieu ?… Je suis née loin de Vous, si loin qu’on n’y parlait de Vous que pour Vous nier, comme une des vieilles fables de jadis… J’ai grandi, on m’a si bien éloignée de Vous toujours, qu’il était toujours moins possible de vous apercevoir… Il fallait que Vous veniez à moi qui ne pouvais aller à Vous : depuis que Vous êtes venu, ne Vous ai-je pas aimé totalement, de mon âme absolue, comme Vous le désirez ?… Délivrez-moi de ce cachot horrible, c’est le moyen de conquérir mon père !… Il ne Vous connaît pas, ne lui en voulez pas d’être amer !… Comme le dit Jeanne, votre amie si