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au large de l’écueil

Je ne serai jamais assez belle pour lui… J’aurais tant voulu grandir un peu pour lui !… Je suis encore la toute petite fille… son petit Jean…

— Je t’envie, moi, dit la mère. Tu n’as presque pas besoin de te pencher pour appuyer ton oreille sur les battements de son cœur… Si tu étais plus grande, il t’aimerait moins peut-être !…

— Oh oui ! quand mon oreille écoute son cœur, il me dit souvent qu’il battra toujours pour moi !…

— Jules ! cria soudain Madame Hébert avec un sanglot de bonheur dans la voix.

— Jules ! répéta Jeanne de toute son âme.

Le paquebot venait de surgir. Il avançait dans toute sa grâce et sa majesté. Souvent déjà, il avait lancé le défi orgueilleux de sa puissance à l’Océan : il était vainqueur, une fois encore. Le cri passionné des deux femmes avait éveillé bien des souvenirs qui sommeillaient dans la bibliothèque où elles attendaient le retour du voyageur. Les choses se rappelaient celui qu’elles n’avaient pas revu depuis longtemps. Les livres tressaillirent d’aise, les tapis se firent plus discrets, les fauteuils plus moelleux, les tapisseries plus gaies, les tentures plus accueillantes. Les