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au large de l’écueil

que chose qui t’enveloppe, et cela m’effarouche… Je trouve cela étrange de te dire « toi »… Il me semble que tu n’es plus le même… Je dois te paraître bien simple, bien ordinaire… Tu as vu de si belles choses !…

— Mais ! tu n’as pas ta pareille, petite sœur !…

— Bien vrai, toujours !…

— Plus que jamais ! lui dit-il.

— Tu ne le croiras peut-être pas ? reprit-elle, déjà rassurée. Eh bien ! très-souvent, tu m’aurais surprise à jongler, si tu avais pu me voir à travers l’espace… C’était comme si la joie eût été morte en moi, à certains jours… Je riais pour ton père, pour ta mère… Je sentais qu’ils avaient besoin de ma gaité… Je faisais mon devoir, mais quelque chose au fond de moi saignait. J’ai couvert de baisers l’image que j’ai de toi dans ma chambre : elle en aurait reçu bien davantage, si je n’avais eu peur de l’effacer !…

— Chère petite sœur, si la chose est possible, je t’aimerai deux fois pour ta souffrance !… Et tu ne me l’écrivais pas !… Je n’oublierai jamais combien ton âme fut généreuse !… Je te demande pardon d’un caprice qui te fut si cruel…