Page:Bernier - Au large de l'écueil, 1912.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
75
au large de l’écueil

Saintes prient devant l’Hostie perpétuelle des Franciscaines. Une clameur a retenti, se prolonge : on applaudit, dans l’arène des sports voisine, les champions modernes comme on acclamait les chevaliers des tournois anciens. Les orphelins de Sainte-Brigitte font entendre le concert de leur allégresse d’enfants. C’est la vie ardente, universelle en Jules et Marguerite. La beauté du jour précipite le rapprochement de leurs êtres. Ils échangent, du bout des lèvres, des mots indifférents, presque banals, mais leurs voix ont des résonances aux douceurs nouvelles, des profondeurs inconnues se creusent dans les regards qu’ils se donnent, des silences entre eux s’imposent qu’ils tardent volontiers à rompre. Ils oublient, elle, qu’il est l’esclave de croyances que rien ne peut déraciner, lui, qu’elle est la fille d’un persécuteur de l’Hostie des Franciscaines, pour laisser l’heure distiller en leurs âmes la magie de chaque minute enivrante.

Le cocher, se souvenant de l’ordre, fait tourner à gauche. Et la colonne de Wolfe découpe sa ligne modeste sur un grand nuage blanc qui monte dans l’azur. Les souvenirs tragiques accourent de tous les coins des Plaines d’Abraham.