Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/161

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transmettre à Gaspard le message d’affliction. Un pareil excès d’étourderie n’était guère excusable. Et pourtant, quelle sympathie vraie, nullement feinte, lui rendait sacrée la peine de la jeune fille, le jour de la confidence ! Quelle étrange loi d’oubli forçait les âmes à rejeter d’elles-mêmes le souvenir de ce qui les a faites si bonnes ? Il lui sembla que, depuis trois jours, il avait pensé à tout, excepté à la chose promise. Grossissant la faute, il se flétrit d’une vile insouciance. Parce qu’il se jugeait déloyal envers la jeune fille, elle lui devint plus touchante, moins lointaine, plus digne de miséricorde. Il décida qu’il irait, le lendemain, lui témoigner qu’il n’avait pas oublié ses larmes. Au contentement d’avoir apaisé son remords, une joie subtile succédait en lui, celle d’y retenir longuement les yeux profonds comme l’âme et le visage où l’amertume semait une gravite belle et douce. Au retour, sous la nuit d’étoiles et de recueillement, les yeux de Lucile s’auréolèrent davantage, le hantèrent d’un rêve qu’il ne voulut pas fuir…

Et le voici, conduit par Thérèse vers la chambre du père si malade. Il est venu, le cœur singulièrement oppressé, stimulé par une fièvre mystérieuse : comment expliquer cette joie envahissante, alors qu’il marchait vers la souffrance, vers la mort, qu’en savait-il ? Quelque chose de