Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/162

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puissant, de meilleur en lui circulait à loisir. Les reflets du soleil le pénétraient de clartés, d’ardeurs. Tous les bruits, harmonieux ou discordants, lui chantaient l’énergie de vivre. Au plus intime de lui-même vibraient l’aisance et la fermeté de son allure. Avant que le bateau-passeur eût laissé Québec, les clapotements de l’onde sur les quais voisins alanguirent Jean de leur refrain monotone. Pendant la traversée, les frissons de la machine firent circuler en lui leur force et leur mystère. Sous les doigts rêveurs de trois musiciens d’Italie, palpitait une sérénade : elle exaltait l’amour du pays où l’amour est rouge comme la flamme ou le sang, toujours violemment rouge. Québec, montant vers les espaces de tiède lumière, l’émut d’un respect lourd de tendresse. Du fleuve rutilant de moire il s’exhalait une fraîcheur qui lui purifia l’âme. Il eût ri sans mesure de celui qui lui aurait dit : « L’amour t’a piqué, mon cher ! » « Que tu es bête ! » eût-il affirmé, nettement badin, le geste éloignant la chose jusqu’aux neiges du Pôle nord. « Je suis heureux, parce qu’il est bon d’aller au devoir ! » aurait-il conclu, avec le désintéressement le plus léger.

Tout de même, l’image de Lucile Bertrand ne le quittait guère, semblait le remercier de venir, lui imposait sa finesse de lignes et d’âme. Quoi-