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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/191

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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

chute des prix, dont Gaspard usa comme massue, éreinta la rivale qui vient d’en mourir. Eh quoi, si tôt ? À l’entendre se célébrer, menacer même, n’aurait-on pas dit qu’elle avait la santé moins débile ? Et c’est tout : il faut bien se résigner à le croire, c’est imprimé ! le titre flambe ! Gaspard Fontaine relit, gouailleur, une étincelle de malice à l’œil. Hélas ! La chose est triste, mais elle est charmante, à la façon d’un bon dîner. La sensation n’a rien d’imprévu, ce n’est pas la première fois qu’un rival s’effondre : elle a de l’usure, du trop goûté. Celui-ci est vraiment ridicule après tant de bravade. Ainsi donc, ce n’étaient que des spasmes d’agonie ? C’est bien cela, Gaspard a comme une ivresse d’appuyer le talon sur la gorge d’un vaincu, et puis, sur la gorge de tous les autres qui furent terrassés, et encore, sur la gorge de tous ceux qui le seront, fatalement. La lutte contre lui est inégale et stupide : le succès ne lui bat-il pas dans les artères ? Pourquoi ne le pressent-on pas, comme il le perçoit au plus intime de l’être ? Ah oui, il est fort, il est inexpugnable ! Sa main froisse brutalement le journal qui craque : Gaspard, superbe, lance les feuilles meurtries sur la table, pour se recueillir en sa victoire, en la fraternité de lui-même et de la victoire…

Ses yeux, pétillants d’orgueil, croisent le re-