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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

égoïste lui-même, il ne blâmait presque plus Yvonne et son ami de concentrer leur rêve en des ambitions exclusives, sans générosité, sans haute noblesse.

Et maintenant, c’est autre chose. Le jeune médecin entrevoit sûrement la tâche de sacrifice et d’honneur que lui déploie l’avenir. Elle est un devoir, la vanité qui, devant les triomphes dont elle se sent capable, les veut et les attend ! Jean sent un recul à l’idée glaciale d’être présomptueux : elle fond déjà, le laissant positif de son courage et de n’être pas vil. L’égoïsme n’est-il pas moins impur, dès qu’il s’élève en des espaces de noblesse et de clarté ? La sensation de livrer beaucoup de lui-même, en s’oubliant presque tout entier, ne l’a-t-il pas empoigné au cours de la tirade à son père ? Et la certitude que la race cueillera de lui un peu de gloire n’a-t-elle pas fait circuler en ses veines une brûlante sève ? Ah ! sa race ! qu’elle n’est plus la même en lui depuis le réveil des orgueils latents ! Comme ils ont grandi, comme ils ordonnent, comme ils tressaillent ! La race est devenue une atmosphère vaste et sainte où l’on vit d’elle, pour elle, dans les bornes de soi-même élargies par l’amour jusqu’à l’étreindre. Ce qu’il y avait de sonorité fausse et déclamatoire en l’enthousiasme s’est tu : ce n’est plus de la fièvre, une idée fixe nerveuse, une émo-