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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

— Au revoir, Mademoiselle Bertrand ! conclut-il, d’une voix trop absente.

Le dernier sourire de Jean a été plus indifférent, pour ainsi dire moins fraternel. Lucile en apporte du froid au cœur. Les cailloux se plaignent, le loquet de la porte gémit sèchement, puis le trottoir de la rue a des résonances dures. La sirène brutale d’un automobile la fait frissonner tout-à-coup, les sabots tapageurs d’un cheval exaspèrent ses nerfs un moment plus tard. Tout l’éblouissement des résidences luxueuses l’aveugle. Il faut qu’elle réagisse contre le malaise aigu. Le message est accompli. Son père sera content, il aura de l’ouvrage, dès qu’il sera guéri. Elle devait être satisfaite d’elle même, ne pas traîner ce regret au fond de l’être. Pourquoi le fils du patron n’a-t-il pas eu un sourire d’adieu autre que celui-là, aussi ? Il a été bon, oh oui, très bon pour elle, mais il n’était plus le même, au départ, comme s’il eût été ennuyé, soucieux de se libérer d’elle. De nouveau, elle courbe sous la pensée d’être pour lui la passante qu’on ignore, que souvent on méprise. Elle s’égare, elle est ingrate, ne lui a-t-il pas promis de venir voir son père ? Au moment où il a dit cela, elle a compris qu’il offrait de la sympathie et de l’espérance. Sensitive que la moindre émotion bouleverse et la moindre blessure dé-