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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

peler au dévouement, il se fût prodigué avec les mêmes efforts et la même constance. N’éprouvait-il pas un intense plaisir à consoler, à secourir, à sauver ? À connaître l’âpre jouissance du sacrifice, ne s’exaltait-il pas ? Un soir que les frères de Lucile, au retour de l’ouvrage, se joignirent pour lui manifester leur gratitude et leur affection, des larmes ne débordèrent-elles pas jusqu’à ses yeux du cœur tout-à-coup submergé par une félicité inconnue ? Il s’est rappelé bien des fois combien celles-ci furent bonnes en dépit de leur violence : pour se mentir chaque fois, d’ailleurs, pour se convaincre davantage que la seule joie de la pitié surabondante grandissait au fond de lui-même. Il ne se lassait pas de voir Lucile exquise et sérieuse, discrète et retenue, mais si l’émotion du cœur l’embrasait comme brûlée au vif et devenait inexprimable, c’était la pitié encore, avivée par un long sourire…

Jean ne s’habituait pas au sourire de la jeune fille. Plus il en recevait la tendre lumière, moins il le connaissait…

N’est-ce pas de lui, pourtant, qu’il gardait le souvenir le plus émouvant ? Plus il y rêvait, plus celui-là le fuyait et l’attirait : il avait l’hallucination étrange de rôder au seuil du mystère… Il ne s’ingéniait pas à comprendre le sou-