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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

cette peur. Elle se moqua d’anxiétés qui lui parurent absurdes. Un tel soupçon ruinait l’amour dont Lucien multipliait les effusions : de son amour n’avait-elle pas une conviction suprême ? N’était-ce pas, en son esprit, la première contestation, le premier doute, la première injustice ? Un accès d’amertume l’irrita contre son frère : il était responsable de la torture, de l’outrage. Ce lui fut un soulagement de le croire, une excuse bientôt. Jean l’avait sommée d’être méfiante : elle se sentit réhabilitée, digne…

Il est évident qu’après cette crise elle eut une confiance plus impétueuse, plus inébranlable en la sincérité du beau Lucien. Il prévoyait à leur tendresse un cadre merveilleux, une atmosphère de splendeur. Mais sa tendresse était vraie, fidèle et complète, elle vivait par elle-même, elle promettait, elle affirmait, elle jurait, elle ne décevrait pas ! La griserie de l’avoir si bien assujetti revint à la jeune fille. Elle s’admira beaucoup de le tenir, de l’émouvoir. Un bonheur dont la douceur l’étreignit, un bonheur nouveau, parce qu’elle ne savait rien de si doux encore, fit surabonder en elle ce qui lui sembla la plénitude de vivre. Pour ainsi dire, l’angoisse apaisée s’écoulait en source d’amour. Ces heures d’inquiétudes, en effet, lui manifestèrent combien lui était nécessaire l’affection dont elle se louangeait. La