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CE QUE DISAIT LA FLAMME...

murmura : « Soudain, avec mystère, j’ai trouvé cela difficile à dire ». Il devint tranchant. « Va-t-il falloir, ma chère, que je sois toujours auréolé de la joie la plus intense ? » Elle redit : « C’est la première fois, Lucien, que l’auréole s’atténue ainsi. Pardonne-moi, je n’y pense déjà plus. » Et, tout le jour, elle fut forcée d’en être songeuse, de se torturer vaguement, parce que son mari n’avait jamais été aussi taciturne et rigide. Au moins, pourquoi ne s’en excusait-il pas ? Un regret quelconque lui était dû, à elle qui souffrait d’un mutisme pareil, ingénieuse tâchait, d’en triompher. Tant de monosyllabes la fâchaient et mortifiaient, ces courtes phrases l’énervaient. La peur de se rendre odieuse (ne venait-il pas de lui riposter d’une voix acide ?) mit obstacle à plusieurs questions instinctives. Elles étaient redoutables, elle s’empressa de les écarter. Ne faisaient-elles pas renaître l’angoisse d’autrefois ? Ce qu’elles insinuaient de blessant à l’égard de Lucien, elle refusa d’y croire. À la fin de ce jour, il ne lui resta qu’une peine trouble. Cet air impassible de désenchantement revint, ces retours d’humeur à ce degré d’indifférence inquiétèrent davantage. Alors même que la causerie des jeunes époux de nouveau s’envolait d’une aile gaie, que leurs âmes s’abandonnaient au contentement d’être expansives, Yvonne se sentait accablée par