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CE QUE DISAIT LA FLAMME...

violent de sa femme, un peu mécontent de sa lâcheté, boude et s’énerve, plus résolu à la lutte, à la raillerie… La volonté de l’autre, d’une poussée brusque, rejette la haine. À travers le cerveau congestionné d’effort, une conclusion s’élabore, apparaît. La menace de Jean comme un glas tinte en sa mémoire : « Il étouffera ton amour par des sarcasmes, et ce sera bien dur ! » avait-il prédit. Ces paroles retombent en elle avec une pesanteur indicible : comme elles oppriment de leur masse, comme elle en est à jamais écrasée ! N’avait-elle pas senti le malheur s’entr’ouvrir comme un abîme et l’attirer vers lui ? Depuis quelques jours, à la veille d’y crouler, ne subissait-elle pas les affres du vertige ? D’une chute rapide, lui navrant le cœur, elle vient de s’y abattre. Un vide énorme se creuse en l’être, des battements drus et pénibles secouent les tempes, elle se rive les deux mains au cœur afin de le soulager, de l’aider à vivre…

Le visage est fixe d’une blancheur livide. Un désir la soutient, la ravive seul. Il faut que longtemps des sanglots âpres débordent…

— C’est bien, tu peux aller voir tes amis, revenir quand cela te plaira ! dit-elle, avec un accent très faible, d’une suprême douceur.

— T’aperçois-tu combien ton idéal est chimérique, naïf, inélégant, de mauvais goût ?