Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/391

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
380
CE QUE DISAIT LA FLAMME…

sa manière il aime, qu’une émotion le mordit au cœur un instant. Il en fut terrifié presque aussitôt. Ne vaut-il pas mieux sans délai calmer cette fièvre sentimentale, avant qu’elle ne devienne un ennui, de la perpétuelle hystérie ? Il cherche une manœuvre d’attaque, en voici une qui frappera droit au but : il accusera sa femme de le soupçonner, de l’outrager…

— On dirait, ma chère Yvonne, que je suis le plus redoutable des maris ! dit-il, narquois et rude. Tu m’entends bien, c’est la dernière fois que tu m’humilies de la sorte. Si tu conçois le mariage comme un internement, il y a des asiles de vieillards où nous pourrions…

— C’est assez, Lucien, je l’exige ! Tu ne sais pas ce que tu me fais ! Je dois ne pas te le dire. Enfin, oui, c’est cela. Tais-toi !

Elle sent frémir en elle de la haine méchante, agressive, tout-à-coup. Elle s’épouvante de la colère amassée dans les veines, des paroles venimeuses qu’elle retient à la bouche. Elle se révolte contre l’arrogance de Lucien, elle est incapable d’en être lacérée davantage. Elle veut laisser ralentir la course du sang, redescendre au fond d’elle-même la paix, l’énergie de pardonner… Elle respire avec douleur, la poitrine lourde et serrée… Les yeux s’effarent, tendus vers les profondeurs de l’âme. Lucien, muselé par le cri