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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

rent, qui se cherchent, qui ont peur de se rejoindre ! Jean s’efforce de réunir les phrases si naturelles, si abondantes, si faciles avant qu’il eût à les laisser jaillir : elles se sont défaites, elles arrivent par lambeaux disparates, lambeaux d’incohérence et de banalité. L’ordonnance harmonieuse de sa déclaration d’amour est en déroute, il n’y a plus que du pêle-mêle, de la gêne, de la tendresse insaisissable que rien ne peut définir. Combien de fois depuis la promenade au Bout de l’Île, au cours de plusieurs semaines, il avait tenu des propos d’admiration et de ferveur à l’image sainte de l’aimée ! Les scrupules suscités par le préjugé de caste mondaine, préjugé de raffinements divers et sans nombre, scrupules auxquels d’abord il s’attardait, ont cessé de revenir : ce qu’ils exigeaient lui parut superficiel ou inutile, parfois mesquin. Auprès de la jeune fille, un ravissement absolu dominait Jean… Aujourd’hui, il est stupéfié d’avoir si volontiers espacé les visites à la jeune fille, si longtemps comprimé ce désir de la revoir sans cesse. Les influences les plus variées concouraient à cette réserve, à une réelle torture. Le mariage d’Yvonne et de Lucien Desloges allait bientôt s’accomplir. Jean ne s’était pas rebellé : son langage à la sœur adorée n’avait-il pas été limpide, sincère et complet ? Il respectait la