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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

liberté d’une décision contre laquelle il avait opposé le plus convaincu, le plus vibrant, le meilleur de lui-même, il se bornait à souffrir une anxiété poignante aux approches de l’acte irréparable. Il connaissait la profondeur, la générosité, la noblesse d’affection auxquelles Yvonne, ressaisie par l’élan supérieur de sa nature, avait abouti. Un soir, comme aux jours de l’adolescence première, elle était venue, câline, fraternelle, émouvante, s’asseoir auprès de lui, presque s’agenouiller. D’une voix chaste et passionnée tour à tour, parfois craintive ou ingénue, elle avait narré ses méditations, ses angoisses, la renaissance de l’ambition altière, elle avait murmuré la tendresse nouvelle, haute et prodigieuse. Et des larmes s’étaient ramassées dans les yeux du frère incapable de la contredire, de lui faire du mal. Que valaient-ils, en ce moment d’exaltation, les arguments contre Lucien Desloges ? Cet amour différent, prêt à la lutte, assuré de la victoire, ne les vouait-il pas d’avance à l’échec ? Les devinant stériles, ne doutant pas de la douleur où ils plongeraient Yvonne, Jean n’aurait-il pas été féroce de l’en menacer encore ? Elle était si désolée, si humble de s’être aigrie contre Jean, elle requérait son indulgence avec tant de charme qu’il s’empara de l’exquise tête