Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/432

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lâche un peu de la vigueur. Un renouveau de confiance active l’énergie du fils. Diplomate, celui-ci concède :

— Supposons ensemble qu’elle m’a capté avec diplomatie…

— Avec hypocrisie, te dis-je !

— C’est très bien, mais toujours est-il que je ne m’en suis pas aperçu, que je l’aime profondément, comme si elle eût été loyale !

— Ton amour ? Prends-tu cela au sérieux ? Allons donc !

— Mon père !…

— L’indignation à présent ! Toute la rengaine ! Avant six mois, tu t’en moqueras bien, de ta grande passion !

— Je ne m’indigne pas, je souffre…

La voix de Jean tressaille d’une vive plainte. Il est torturé, plus que jamais auparavant, de la dissemblance morale entre son père et lui. Qu’il est douloureux pour lui de se heurter à l’étroitesse d’âme aussi irréductible, à un mépris si têtu de tout idéalisme ! Les mesquineries de la nature de son père, le fils n’en fut jamais aussi douloureux qu’à la minute où celui-là, vulgaire et bête à l’excès, ridiculise sa tendresse pour Lucile. Un frémissement de révolte lui secoue les nerfs, mais il ne tarde pas à la calmer : il lui répugne de forfaire à l’infini respect jamais violé. N’enve-