Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/433

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nimerait-il pas l’antagonisme ainsi ? Non, de la déférence, du pardon, de l’amour sans bornes, de l’amour jusqu’au dernier instant de la lutte, jusqu’après la défaite, s’il faut en être accablé !…

— Mon cher père, tu ne tentes même pas de me comprendre, de nous comprendre, elle et moi ! dit-il, indulgent.

— Il suffit que je me comprenne et ce mariage ne se fera pas, je le déclare une dernière fois ! s’exclame l’autre, et dans ses prunelles éclatait une lueur farouche de décision.

Sans aigreur ou sans ironie, mais avec une solidité d’accent extraordinaire, le jeune homme rétorque :

— Tu as honte des Bertrand !

— Pour mon fils, oui !

— Une alliance avec la famille de l’un de tes ouvriers, fût-il irréprochable, la jeune fille eût-elle en son cœur le bonheur de ton fils, te ravale et t’humilie ?

— C’est un mariage de roman, de la folie, une mésalliance !

— T’allier par le sang au peuple, c’est un déshonneur, une déchéance ?

— Je m’abaisse !

— Mais qui donc es-tu ?

Cette interrogation imprévue, saisissante, foudroie Gaspard. Un effort violent lui meut le cer-