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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

ses yeux incapables d’affronter le limpide regard de Jean. Elle est vaincue, elle sent qu’il a raison. La jeune fille qu’elle était, celle que, d’une voix douce et presque tremblante, son frère vient d’esquisser, lui apparaît comme lointaine, étrangère à elle-même et déchue du trône où elle régnait. Que l’évolution s’est faite vertigineusement ! Pour la première fois, elle se demande comment les phases de cette évolution intime ont pu être si insensibles, comment cette mentalité nouvelle s’est infiltrée avec aussi peu de violence et sans provoquer la moindre résistance de son être. Plus Jean a ressuscité les souvenirs, plus elle a vu se creuser la différence entre l’Yvonne mondaine et l’Yvonne d’auparavant. L’orgueil de ne pas l’admettre et le besoin de l’avouer se querellent dans son âme. Voilà pourquoi, sur la défensive encore, elle élude la réponse habile de Jean.

— Si tu étais la même, tu aurais autre chose à me dire, et tu le dirais autrement, a-t-il insinué avec tendresse.

— Que veux-tu que je te dise de plus ?…

— Mais tu devrais le savoir mieux que moi ! Une parole profonde jaillissant du meilleur de toi-même, un cri impulsif de ton vrai cœur, enfin, une preuve que tu m’as compris, qu’on ne m’a pas ravi mon Yvonne affectueuse et sincère !…

— Je puis, sous certains rapports, ne plus être