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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

la même, mais je t’aime toujours ! s’écrie-t-elle, avec une spontanéité charmante, où il n’y a pas assez d’abandon toutefois. Le voici, le cri du cœur !… Et maintenant, je vais te prouver ma confiance. Je ne sais pas comment te faire cet aveu, c’est comme si j’avais un tout petit peu honte de moi-même. Eh ! bien, oui, je t’aime encore, mais d’une autre façon, et il me semble que je ne t’aime pas autant… Tant de choses m’ont distraite de toi. Presque tout ce que tu as dit, c’est vrai ; ou plutôt, je crois que tout est vrai. Je suis une autre Yvonne : comment est-elle née en moi-même, comment y a-t-elle grandi, comment y est-elle si vivante, si impérieuse ? Je l’ignore… Depuis que tu m’as fait entrevoir ce que je suis devenue, j’essaye de me rendre compte, de trouver les causes. Je n’ai qu’une excuse, l’ensorcellement a été complet : j’en ai subi la puissance, à chaque jour, sans repos, sans révolte. Tous ces jolis rêves, bleus, gris ou roses dont tu parlais, ils revinrent moins souvent d’abord, puis ne me rendirent que des visites rares et courtes, un jour ils partirent pour ne plus revenir. Ce n’est pas leur faute, je les recevais moins bien chaque fois, distraite, un peu dédaigneuse… Et moi, qui les aimais tant, qui leur ouvrais toute la profondeur de mon âme, pourquoi n’ai-je pas souffert de les perdre ?…