sissait. Les voisins des Bernard, eux aussi, n’ignoraient pas qu’il prodiguait son intelligence et son cœur aux gueux comme aux ouvriers fort “à l’aise” et coururent à lui… Aussitôt, le soir, il s’est lancé à travers la nuit, les rafales étouffantes et les âpres soufflets d’un ouragan de neige…
Tandis que les Bernard, enfin secoués hors de leur léthargie, s’abattent sur le pain, le fromage et les fruits, goulûment, comme sur une proie des oiseaux carnassiers, avec de petits cris de brutes affamées, que leurs doigts raidis par le froid se détendent à faire les gestes avides, Jean Fontaine s’introduit au milieu d’eux. Pour ne pas irriter les miséreux farouches, les voisins ne leur avaient délégué que l’un d’entre eux, celui qui avait déniché tout ce malheur horrible. À l’instant, celui-là, un travailleur lui-même, attise le feu qu’il vient de faire jaillir au sein d’un poêle malingre, dévoré par la rouille. Les yeux de Jean s’appesantissent de larmes au tableau d’inénarrable dénuement, d’assouvissement féroce. L’homme est si hâve et décharné, la femme est si jaune et amincie, les enfants, quatre garçons et deux petites filles, si pâles et chétifs ! Jean regarde les faces terreuses, les chevelures désordonnées, les bouches gourmandes, les yeux baignés d’une volupté stupide, les haillons,