Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/462

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dévoilé : quelle honte ! Ah non, je ne peux pas lui confier ma douleur !

— Vas-y, ma fille ! comme il va te guérir, lui !

Un éclat de joie plus intense, plus victorieux, jaillit de la flamme. Elle s’anime davantage, il semble qu’elle exulte…

Une rafale stridente hurla, remplit la maison d’effroi et de plaintes. Mais la flamme ne s’effraya pas, continua le chant de bonheur…

— Qu’as-tu, mon père ? s’écria Yvonne, terrifiée d’une angoisse confuse.

Gaspard, une main rivée à la poitrine, l’autre crispée sur le bras gauche du fauteuil, se tenait droit comme un arbre rigide, une stupeur fixe aux prunelles.

— Ne t’inquiète pas, mon enfant, dit-il bientôt, avec une douceur étrange. Attends un peu que ce soit plus clair en ma tête… Au bruit de la rafale, une pensée m’a saisi, m’a fait peur, m’a bouleversé, me fait comprendre une foule de choses… Eh bien, oui, ma petite Yvonne, sous nos pieds, autour de nous, c’est la plaine d’Abraham. Il m’a semblé entendre les gémissements innombrables des morts. Ils m’ont accusé, ils m’ont ordonné. Comme il a raison, mon Jean ! C’est pour nous qu’ils ont aimé jusqu’à la mort ! Je comprends ce que Jean voulait, ce qu’il a fait : il faut de l’amour toujours…