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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

ce que je pensais. On m’a regardée avec compassion, on eût pitié de ma candeur, de mes épanchements trop vifs. Pour ne pas être sotte, j’ai fait plier bagage à toute ma poésie, je l’ai enfouie dans un coin de mon âme et l’ai priée de se taire… Marthe Gendron, surtout, me fut précieuse. Un jour nous causions, elle, quelques amies et moi, de l’une des premières « comédies musicales » que j’aie entendues. J’osai dire que la valse principale en était disgracieuse, trop échevelée, de mauvais goût. Elles se récrièrent : c’était divin ! Lorsque nous fûmes seules, elle et moi, Berthe me conseilla de toujours mettre une sourdine à mes impressions. « Il faut dire comme tout le monde ou à peu près comme tout le monde, et cela n’empêche personne de penser comme il veut ! » conclut-elle. Vexée avant d’avoir réfléchi, j’avouai enfin qu’elle me rendait un joli service. Après cela, je maîtrisai mes impulsions… Et maintenant, il faut que je te dise quelque chose…

— Oui, tu les as refoulées, mais tu ne les as pas étouffées ! Comme le disait ton amie Marthe, en faire étalage n’est pas à la mode, mais tous demeurent libres de les laisser vivre en eux-mêmes. Elles palpitent encore en ce coin de ton âme où elles s’alimentent, où elles manquent un peu d’air, voilà tout…

— Mon cœur n’est plus à elles, il appartient à