Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/51

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une muraille entre eux. Yvonne attend que son frère le brise et, de tous ses nerfs crispés, se prépare à ne pas laisser battre son amour en brèche. Tandis que Jean souffre, amèrement, profondément, d’une blessure aiguë. D’abord, sa douleur est confuse, un brouillard de larmes lui enveloppe le cœur. Les choses tristes dont elle est mélangée, finissent par ne plus accourir pêle-mêle à son cerveau, se précisent chacune avec son relief d’amertume, avec sa force déprimante. Ainsi, la foi qu’il gardait au solide caractère d’Yvonne, s’effondre : puisqu’elle aime ce jeune homme superficiel et vain, il ne reste rien de la jeune fille jadis assoiffée de hautes affections. Ces belles aspirations dont l’ardeur la transfigurait, elle en a comprimé l’essor en elle-même ; et ces rêves dont la pureté l’ennoblissait, elles les a rejetés comme des jouets stériles d’imagination. Il en est convaincu d’une certitude poignante, cette destruction d’idéal en elle est surtout l’œuvre de Lucien Desloges. Il est des âmes d’hommes viles dont la fourberie, patente aux yeux des autres hommes, échappe étrangement aux femmes qu’elles ensorcellent. Un éclat factice d’intelligence miroite dans la causerie mielleuse du beau Lucien. Un fluide subtil de corruption habilement dosée glisse de son regard, se répand sur son visage, imprègne toute sa person-