Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/91

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comme un galérien pour que les siens toujours plus nombreux n’eussent pas honte de lui ?

Une dernière acclamation ébranle cette foule et les voûtes. L’unanimité cesse, il n’y a plus que des individus qui bientôt se bousculent à la sortie. Des mots banals se prononcent, amoindrissent les grandes choses qui ont été dites. Quelqu’un s’écrie : « Qu’il faisait chaud ! On fondait ! » Plus loin, un autre gémit : « Si ce n’était pas si loin, la maison ! » À coup sûr, l’enchantement s’émiette, on redevient bourgeois, content de soi-même. Au foyer, ne retrouvera-t-on pas l’insouciance au-dessus de laquelle ont plané les âmes quelques heures ? À quoi bon des soubresauts de patriotisme, s’il ne s’infiltre pas dans la vie canadienne-française pour y couler, l’enrichir et l’élever ? Après que des paroles flamboyantes l’ont traversée comme des éclairs, l’apathie revient sereine. Jean ne l’ignore pas, il en éprouve beaucoup d’amertume. Aux quelques amis qui se détendent le cerveau par un bavardage sur les jeunes filles ou des saillies à la québécoise, il ne donne que des réponses à demi conscientes, presque des monosyllabes.

— Depuis que tu es Monsieur le Docteur Fontaine, insinue même l’un d’eux, crois-tu le badinage au-dessous de ta dignité ?

— Pourquoi cette taquinerie ? Tu me connais