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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

larmes de mon corps avec cette nuit. — Et mon épuisement me revenait pourtant toujours.

J’ai compris qu’Elle était à sa vie de tous les jours ; et que le tour de bonté serait plus long à se reproduire qu’une étoile. Elle n’est pas revenue, et ne reviendra jamais, l’Adorable qui s’était rendue chez moi, — ce que je n’aurais jamais présumé. Vrai, cette fois j’ai pleuré plus que tous les enfantsdu monde[1].


2

C’est, certes, la même campagne. La même maison rustique de mes parents la salle même où les dessus de portes sont des bergeries roussies, avec des armes et des lions. Au dîner, il y a un salon avec des bougies et des vins et des boiseries antiques. La table à manger est très grande. Les servantes ! elles étaient plusieurs, autant que je m’en suis souvenu. — Il y avait là un de mes jeunes amis anciens, prêtre et vêtu en prêtre maintenant c’était pour être plus libre. Je me souviens de sa chambre de pourpre, à vitres de papier jaune et ses livres, cachés, qui avaient trempé dans l’océan !

Moi, j’étais abandonné, dans cette maison de campagne sans fin lisant dans la cuisine, séchant la

  1. De l’examen du manuscrit des Déserts de l’Amour, possédé par M. Barthou, résulterait que cette première prose particulièrement est chose de premier jet, un brouillon,une ébauche. Rimbaud reprenait souvent ses poèmes, les modifiant chaque fois.