Page:Berrichon - Jean-Arthur Rimbaud, 1912.djvu/146

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trouvèrent drôles les ébriétés agressives de ce jeune homme si taciturne en sang-froid, et ne se firent point faute de l’abreuver, mais qui, dès que leur infatuation se vit l’objet direct des appréciations tranchantes du voyant, se mirent à le haïr de toute la malice venimeuse de leur âme de prudence et de lâcheté.

Ivrogne ? C’est bien vrai, oui, qu’il consentit, un temps, à attiser son feu intérieur en absorbant de l’alcool et du haschich ; mais cela, qui l’exaltait moins divinement que la contemplation de sa propre pensée, il le faisait, insistons-y, plus encore pour avoir l’occasion de stupéfier ses détracteurs que pour la jouissance égoïste, l’expérimentation d’extrêmes irritations des sens embrasant sa cervelle de visions tantôt amères et tantôt douces, soleils noirs et lunes blanches, fulgurances de malheur et de béatitude :

Qu’est-ce pour nous, mon cœur, que les nappes de sang
Et de braise, et mille meurtres, et les longs cris
De rage, sanglots de tout enfer renversant
Tout ordre ; et l’Aquilon encor sur les débris ;

Et toute vengeance ? — Rien !… Mais si, toute encore,
Nous la voulons ! Industriels, princes, sénats :
Périssez ! Puissance, justice, histoire : à bas !
Ça nous est dû. Le sang ! le sang ! la flamme d’or !