Page:Berrichon - Jean-Arthur Rimbaud, 1912.djvu/167

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Écoutez ces vers de onze syllabes, sans césure, à combinaison nouvelle de rimes à peine distinctes : ils sont d’avant les Romances sans Paroles et l’Art poétique de Verlaine ; l’indécision en la précision de la fuite de l’âme, et de quelle âme ! s’y surprend singulièrement dans combien plus de vertu particulariste et de musique rare


LARME


Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises,
Je buvais, accroupi dans quelque bruyère
Entourée de tendres bois de noisetiers,
Par un brouillard d’après-midi tiède et vert.
 
Que pouvais-je boire dans cette jeune Oise,
Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel couvert.
Que tirais-je à la gourde de colocase ?
Quelque liqueur d’or, fade et qui fait suer !

Tel, j’eusse été mauvaise enseigne d’auberge.
Puis l’orage changea le ciel, jusqu’au soir.
Ce furent des pays noirs, des lacs, des perches,
Des colonnades sous la nuit bleue, des gares.

L’eau des bois se perdait sur des sables vierges,
Le vent, du ciel, jetait des glaçons aux mares…
Or ! tel qu’un pêcheur d’or ou de coquillages,
Dire que je n’ai pas eu souci de boire !


Écoutez encore ceux-ci, de sonorités plus noires