Page:Berrichon - Jean-Arthur Rimbaud, 1912.djvu/201

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les cavernes des forgerons et des ermites. Des groupes de beffrois chantent les idées des peuples. Des châteaux bâtis en os sort la musique inconnue. Toutes les légendes évoluent et les élans se ruent dans les bourgs. Le paradis des orages s’effondre. Les sauvages dansent sans cesse la Fête de la Nuit. Et, une heure, je suis descendu dans le mouvement d’un boulevard de Bagdad où des compagnies ont chanté la joie du travail nouveau, sous une brise épaisse, circulant sans pouvoir éluder les fabuleux fantômes des monts où l’on a dû se retrouver.


Il suffirait, ce semble, de confronter les « paysages belges » des Romances sans Paroles avec ce poème en prose, cette illumination, pour se faire une nette idée de la différence existant entre le génie de Verlaine et le génie de Rimbaud, et pour voir combien celui de l’auteur des Illuminations est plus haut, plus vaste, plus intrinsèque en spiritualité, plus mystique, plus sur un autre plan que l’ordinaire humanité, plus divin. Comment Verlaine, dont l’âme, merveilleuse aussi, fut puérile, trop humaine, passive, n’aurait-il pas été dominé, subjugué par une pareille puissance d’imagination, une telle souveraineté de vision, une semblable majesté d’expression ? Et l’on comprendra, au reste, pourquoi le Pauvre Lélian s’est toujours effacé devant son ami, sans qu’il ait été besoin pour cela d’autres