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JEAN-ARTHUR RIMBAUD

Et qu’il était sous elle, il lui mordait les fesses,
Car elle ne portait jamais de pantalons,
Et, par elle meurtri des poings et des talons,
Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre.

Il craignait les blafards dimanches de décembre
Où, pommadé, sur un guéridon d’acajou,
Il lisait une Bible à la tranche vert-chou.
Des rêves l’oppressaient, chaque nuit, dans l’alcôve.
Il n’aimait pas Dieu, mais les hommes qu’au soir fauve,
Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg
Où les crieurs, en trois roulements de tambour,
Font autour des édits rire et gronder les foules.
Il rêvait la prairie amoureuse, où des houles
Lumineuses, parfums sains, pubescences d’or,
Font leur remuement calme et prennent leur essor ;

Et comme il savourait surtout les sombres choses
Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes,
Haute et bleue, âcrement prise d’humidité,
Il lisait son roman sans cesse médité,
Plein de lourds ciels ocreux et de forêts noyées,
De fleurs de chair au bois sidéral déployées,
— Vertige, écroulements, déroutes et pitié
Tandis que se faisait la rumeur du quartier,
En bas, seul et couché sur des pièces de toile
Écrue et pressentant violemment la voile !…