Page:Berrichon - Jean-Arthur Rimbaud, 1912.djvu/263

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soleil, se révélait inaffranchissable des passions communes et incapable à jamais de gravir les lumineuses puretés. Ce fut, pour le mage, pour l’ange que Rimbaud se sentait être, la chute mate dans les ténèbres et les affres de la réalité.

Sur le lit d’hôpital, parmi la froideur de la salle aux blancheurs de linceul et aux relents pharmaceutiques, son âme se débat dans une détresse d’agonie ; et les visites inquisitoriales du juge d’instruction sont pour elle des coups de couteau plus douloureux que ne le sont pour sa chair les coups de bistouri du médecin cherchant dans son poignet le plomb qui lui engourdit le bras. Les questions tendent visiblement à interpréter en trivialités honteuses ce que les candeurs de son génie avaient apporté d’héroïque pureté dans sa liaison avec Verlaine ; il n’est jusqu’à ses élans cordiaux qui ne soient appréciés à rebours. La rancœur, ressentie naguère à Londres, de n’être compris par personne, même par son compagnon, se transforme de crainte en certitude. Nul être humain, même parmi ceux à qui il sera donné de fouiller dans son intimité morale, ne doit donc jamais parvenir à le connaître !

Dès lors, il lui apparaît que certainement il n’est pas du monde réel et que tous ses efforts pour divulguer les splendeurs et pro-