Page:Berrichon - Jean-Arthur Rimbaud, 1912.djvu/267

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Ô pensée aboutissant à la folie !
Va, pauvre, dors, moi, l’effroi pour toi m’éveiile.

Ah ! misère de t’aimer, mon frêle amour
Qui vas respirant comme on expire un jour !
Ô regard fermé que la mort fera tel !

Ô bouche qui ris en songe sur ma bouche,
En attendant l’autre rire plus farouche !
Vite, éveille-toi. Dis, l’âme est immortelle ?


Écrits à Londres en 1873, dans la compagnie de Rimbaud et incontestablement inspirés par sa présence, ces quatorze vers ne forment-ils pas comme la paraphrase anticipée, contemporaine plutôt, de ce passage d’Une Saison en Enfer où Rimbaud met dans la bouche de la "vierge folle", Verlaine, ces paroles :


À côté de son cher corps endormi, que d’heures des nuits j’ai veillé, cherchant pourquoi il voulait tant s’évader de laréalité. Jamais homme n’eut pareil vœu


et de cet autre passage, où toujours parle la « vierge folle » :


Ainsi, mon chagrin se renouvelant sans cesse, et me trouvant plus égarée à mes yeux, — comme à tous les yeux qui auraient voulu me fixer, si je n’eusse été condamnée pour jamais à l’oubli de tous !