Page:Berrichon - Jean-Arthur Rimbaud, 1912.djvu/294

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a dit l’avoir rencontré le 1er novembre, près de l’Odéon, au café Tabourey, fréquenté presque exclusivement par des littérateurs. L’ayant vu à l’écart de tout le monde et assis devant une table non servie, l’auteur de la Jument morte, arrivé récemment de sa province avec le désir de se créer des relations dans le monde des lettres, lui offrit à boire, pour la seule raison que le garçon servant avait, non sans dédain, désigné le solitaire comme un poète. Rimbaud était pâle et, de même qu’à l’ordinaire, muet. Son attitude, ainsi que son visage, décelait quelque chose de virilement amer et de redoutable, qui impressionnait. Il ne répondit pas aux propos amènes de son amphitryon imprévu, — et Poussin, le reste de sa vie, devait garder de cette rencontre un souvenir d’effroi. Cependant, à côté, les autres consommateurs causaient de Rimbaud entre haut et bas, sinistrement et avec une bêtise lâche.

À la fermeture du café — aube du Jour des Morts — le calomnié reprit à grandes enjambées le chemin des Ardennes.

Arrivé à Roche, il jeta au feu le tas presque intact des exemplaires d’Une Saison en Enfer. Il brûla, en même temps, tout ce qui de ses manuscrits antérieurs se trouvait à la maison.

Et c’est ainsi qu’en pleine adolescence, ses